Le plan banlieue d’Amara : zéro pointé !

Bouchera Azzouz : La Bastille3 questions à Bouchera Azzouz

La secrétaire générale démissionnaire de Ni putes ni soumises (NPNS) faisait en juin l’ouverture du meeting de lancement de République solidaire. La militante assassine le plan Banlieue de Fadela Amara et vilipende l’orientation d’un gouvernement qui, comme les NPNS, “agite le danger de l’intégrisme pour éviter la question sociale”. Par Yann Barte

1 Pourquoi avez-vous quitté définitivement Ni putes ni soumises en décembre 2009 ?

En plus de son fonctionnement antidémocratique, ce mouvement connaît une dangereuse dérive communautariste et ethno-religieuse, qui va à contresens de son combat initial : la marche de 2003 s’appelait “la marche pour l’égalité et contre les ghettos”. Aujourd’hui NPNS est devenu un mouvement exclusivement focalisé sur la lutte contre le voile, la burqa, le “fascisme vert”. Même si l’intégrisme est à l’échelle de la planète un courant politique sectaire et aux antipodes des avancées sociales, il est loin de déterminer à lui seul la situation des femmes des quartiers. C’est une approche extrêmement réductrice. Le plus petit dénominateur commun à ces femmes de religion, de culture et d’origine différentes n’est pas l’islam, mais la situation sociale. Pour combattre sérieusement pour l’égalité, les NPNS doivent s’attaquer à toutes les causes. Il est impossible de combattre sérieusement pour l’égalité en faisant l’impasse sur cette question. Il faut aussi avoir la liberté de mener ce combat sans compromission, ce qui peut parfois nécessiter de tacler des décisions gouvernementales. A moins que les dirigeantes de NPNS soient devenues des “beurgeoises défendant des privilèges personnels”. Le sociologue Didier Lapeyronnie résume en une phrase, dans Ghetto urbain (1), la situation et les enjeux : “A qui appartient le sexe des filles ?” L’émancipation, c’est, bien au-delà de la libération sexuelle, permettre aux filles de s’approprier leur sexe. Les hommes doivent eux aussi s’émanciper. C’est terrible de devoir encore cacher son homosexualité dans les quartiers. Et c’est autrement plus utile de se déclarer, comme ce jeune président d’association (HM2F), “musulman et homosexuel” que de se dire, comme le fait partout Amara, “musulmane et pratiquante”, ce qui ne fait rien avancer et nous indiffère totalement. Il faut aussi cesser de monter les uns contre les autres, il est temps de pousser les jeunes à s’identifier à une République dans laquelle ils ont toute leur place, plutôt que de leur renvoyer l’image d’une République hostile à leurs différences. Il faut les réconcilier avec le pacte républicain et travailler au vivre ensemble, plutôt que de pousser aux revendications particulières et au communautarisme.

2 Comment jugez-vous le plan banlieue lancé par Fadela Amara ?

Elle-même s’était généreusement accordé un 11 sur 20 lors de la remise du rapport de l’Onzus (Observatoire national des zones urbaines sensibles). Comme pour les avancées féministes, à ce “Plan désespoir banlieue”, je mettrais un zéro pointé. Les jeunes ont massivement été exclus par la politique de rénovation urbaine (PRU) qui devait créer des emplois dans les quartiers. Le ministère de la Ville soutient cette politique raciste et antisociale de stigmatisation des plus vulnérables, comme les Roms. Le gouvernement n’a aucune volonté de faire avancer les banlieues, territoires définitivement oubliés de la République. On préfère agiter le danger de l’extrémisme pour éviter la question sociale, qui se pose dans les quartiers comme dans les zones rurales. Participer à un gouvernement qui légitime le racisme ordinaire au plus haut niveau de l’Etat (affaire Hortefeux), qui expulse des gamines violentées parce qu’on juge leur situation administrative avant la situation humaine, aller dans le sens de Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au logement, qui nous explique que l’hébergement d’urgence n’est pas une priorité, alors qu’il est justement le seul moyen pour une femme d’échapper aux violences… ça n’est pas vraiment protéger les femmes ! Pas plus que de refuser de prendre position —– comme l’a fait le cabinet de Fadela Amara —– sur l’histoire des femmes lynchées de Hassi Messaoud, au nom probablement des intérêts de la France en Algérie et de leurs relations de toute façon déjà exécrables.

3 Qu’attendez-vous du mouvement République solidaire ?
République Solidaire, c’est la prise de la Bastille ! C’est le peuple souverain qui se lève, pour dire non aux dérives qui sacrifient les plus faibles. Il faut à la fois rétablir la morale et l’ordre républicains et revenir à ce qui a toujours fait la force de la France : la solidarité. Etre républicain, c’est être au service de chacun, sans exclure, sans diviser, sans attiser la haine et la peur. Ni la constitution, ni la Déclaration universelle des droits de l’homme, ni la laïcité ne peuvent être révisées, dépoussiérées. La liberté est un principe auquel on ne peut déroger. J’attends de République solidaire la restauration de l’idéal républicain, bien mis à mal depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy. Dominique de Villepin a reçu un large soutien dans les banlieues. Il s’agit maintenant de transformer l’essai !

(1) Ghetto urbain, Didier Lapeyronnie. Ed. Laffont, 23 €.

Article paru dans Le Courrier de l’Atlas septembre 2010

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