Nous sommes inquiètes !

Après les émeutes de novembre 2005, nous, mamans des cités, avions cru à une réelle prise de conscience. Elle n’aura duré que deux mois ! Aujourd’hui encore, c’est la mort de deux adolescents, Moushin, 15 ans, et Larami, 16 ans, qui déclenche une nouvelle vague de violence dans nos banlieues oubliées.

Malgré notre grand désarroi, nous, mamans des cités, poursuivons inlassablement notre rôle de médiation afin de faire entendre la voie de la raison, face à la violence, face aux agressions contre les forces de l’ordre, qui sont inacceptables !

Nous ne voulons pas chercher à expliquer cette situation désastreuse, car ce serait en partie donner une justification à la violence, que nous ne cautionnons pas. Mais nous savons à quel point le sentiment d’exclusion, d’abandon et d’injustice est ravageur et conduit inéluctablement nos enfants en marge de la société.

Nous leur disons aussi que brûler des écoles, des bibliothèques, celles-là mêmes que leurs petites soeurs et petits frères fréquentent, ne peut être le moyen de revendication pour interpeller les pouvoirs publics, pas plus que brûler les bus et les voitures. La violence creuse le fossé au sein d’une jeunesse déjà fragilisée. La violence entraîne nos enfants vers le chemin du repli, et non vers celui de la citoyenneté.

Notre volonté à changer les choses est immense, mais la réalité nous rappelle à l’ordre ! Nous aspirons à un avenir meilleur pour nos enfants, pour qu’ils sortent de ces ghettos où tous les échecs s’accumulent. Nous voulons des écoles et des transports, de vrais moyens pour accéder à la réussite scolaire. Nous aussi, nous voulons que nos enfants soient ingénieurs, médecins, architectes….

Nous ne voulons pas du chômage, qui terrasse jusqu’à 80 % de nos jeunes dans certains quartiers. Nous aussi, nous voulons protéger nos enfants du fléau de la drogue et de la délinquance. Nous ne voulons pas de l’obscurantisme ou de l’intégrisme comme seules réponses au mal-être social de nos enfants, qui les conduisent au repli communautariste.

Face à nos appels incessants, nous sommes aujourd’hui inquiètes, les pouvoirs publics restent sourds à nos appels, nous renvoyant ainsi à l’enfermement et à notre condition de mères au foyer. Après avoir écumé tous les services publics pour trouver des issues : logements, éducation, emploi, places en crèche, transports publics, nous sommes toujours dans l’impasse et condamnées à mettre en place tous les systèmes D.

Parce que nous ne voulons plus de la précarité dans laquelle nous vivons, souvent seules à élever nos enfants, parce que nous sommes des citoyennes à part entière, revendiquant la liberté et l’égalité, parce que nous sommes avant tout des femmes, nous demandons, tout simplement, les moyens de notre émancipation : celle-ci passe évidemment par le droit à l’autonomie, par le droit à être entendues et reconnues comme les actrices du changement dans nos quartiers, par le droit d’accès aux espaces de décision. Notre rôle ne sera pleinement effectif que si déjà notre présence et notre rôle dans l’espace public sont reconnus de tous.

Bouchera Azzouz

Mathilde Ohin (marraine de NPNS, Pantin),

Dalila Zermann (écrivaine et maman de quatre enfants, Villiers-le-Bel - Gonesse),

Valérie Regnier (agent en école maternelle, deux enfants, Corbeil),

Kya Dembélé (Association des femmes africaines de Sarcelles)

L’appel des 343 mamans

Une réponse á “Nous sommes inquiètes !”

  1. merci pour le lien

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