La précarité est une violence faite aux femmes

En 1995, La 4ème conférence mondiale de Pékin ambitionnait 12 objectifs stratégiques au travers d’un programme d’action orienté sur la promotion de l’égalité et de l’autonomie des femmes, la lutte contre la pauvreté et les discriminations, l’accès à la formation et à l’emploi, à l’éducation, à la santé, la lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes (VFF) en produisant entre autre des statistiques précises.

http://www.huffingtonpost.fr/bouchera-azzouz/la-precarite-est-une-violence_b_4338402.html

C’est cette dernière recommandation, qui aura motivé la première enquête qui consistera à nommer et à quantifier les violences envers les femmes en France. Elle sera réalisée par M. Jaspard en 2000, sous le nom de l’ENVEFF (enquête nationale sur les violences envers les femmes en France), et reste une référence qui aura permis de rendre visible socialement ce qui jusque là était confiné au hui clos de la sphère privée.

Cependant, malgré un état des lieux assez précis, force est de constater que depuis 13 ans, les politiques menées sont inefficaces. Les effets d’annonce se succèdent, avec en tête l’obtention en 2010 de la grande cause nationale. Si les moyens alloués enflent les résultats eux ne suivent pas et au vu des orientations du dernier plan de 66 millions de la Ministre au Droit des Femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, nous pouvons déjà prévoir l’effet placebo.

La raison est selon nous assez simple on frappe fort mais à côté! En somme tant que nous ne ferons pas le lien entre lutte contre les violences faites aux femmes et la lutte contre la précarité des femmes, nous n’aurons jamais de politiques de prévention assez fortes pour infléchir les rapports de domination millénaire que subissent les femmes.

Si nous allons au bout des résultats révélés par l’ENVEFF on se rend compte que les femmes qui subissent le plus les violences sont les femmes en situation de précarité : les chômeuses, les étudiantes, les inactives ayant déjà occupées un emploi, et les femmes migrantes. Aujourd’hui plus encore qu’il y a 13 ans, la crise à décupler les situations d’instabilité professionnelle, et d’exclusion sociale, augmentant de fait le nombre de femmes en situation de vulnérabilité, et de relégation sociale.

Une autre étude menée par l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) insiste elle sur un autre point, la très grande précarité, à savoir la pauvreté : « Les femmes pauvres ayant entre 35 et 39 ans et vivant en milieu urbain sont les premières touchées par ce fléau. »

Après avoir sortie le phénomène des violences faites aux femmes de l’invisibilité, nous appelons les responsables politiques à en finir avec ce tabou qui condamne à la double peine ces femmes qui sont les plus victimes et dont on ne veut pas parler : les femmes précaires. Non la précarité n’est pas un gros mot ! Elle est à la fois un facteur aggravant, et une violence faite aux femmes dans la mesure où elle s’impose à elles sans qu’aucune politique d’envergure ne soit menée pour les sortir de la spirale de la paupérisation.

Elles sont 4,7 millions de femmes à vivre sous le seuil de pauvreté, 70% des travailleurs pauvres, elles occupent 80% des emplois partiels, elles sont à 57% bénéficiaire du minimum vieillesse, sont les allocataires majoritaires du RSA socle, et 9 familles monoparentales sur 10 sont une femme avec enfants. On ajoute à cela que les grandes oubliées des enquêtes sont les 14.000 à 15.000 femmes hébergées en foyer et dans les centres d’accueil d’urgence, ou sans domicile.

Dans sa résolution de 1997 sur la lutte contre les VFF, le Parlement Européen insistait déjà sur le fait que “dans la majeure partie des cas, les sévices ne sont pas signalés à la police, essentiellement en raison de l’absence d’instruments juridiques, sociaux et économiques appropriés pour protéger les victimes, et qu’en conséquence la violence contre les femmes demeure un délit largement toléré”.

Aussi il est illusoire de penser que nous réduirons le chiffre des violences ou que nous libérerons la parole, ou que nous encouragerons les femmes victimes à sortir de cette impasse. Nous, militantes associatives qui accompagnons ces femmes, nous savons qu’un hébergement via le 115 dure en moyenne 3ans, durant lesquels aucun accompagnement n’est proposé, nous savons qu’il faut près d’un an pour avoir une réponse à un Dalo, qui est généralement refusé faute de revenus, qu’il faut attendre près de 6 mois pour obtenir une ordonnance de protection, et près de 6 mois pour une demande d’aide juridictionnelle, et 7 ans en moyenne pour obtenir un logement social!

Si des moyens ciblés ne sont pas mis en place pour protéger, accompagner, et sortir ces femmes des trappes de précarité et de pauvreté, on ne fera que mettre un pansement sur une jambe de bois !
Il faut simplifier les procédures pour les femmes, leur permettre d’avoir un référent unique pour les accompagner et les orienter vers des aides concrètes, et des solutions de relogement rapides, pérennes et compatibles avec une vie de famille. Aujourd’hui elles sont noyées dans des procédures qui finissent dans des impasses.

À la violence des coups, la violence des services de l’Etat incapable de gérer les situations d’urgence tout en préservant la dignité des victimes.

Nous interpellons la Ministre aux Droits des Femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, sur l’extrême urgence de la situation et sur le décalage abyssal qui existe entre le plan présenté et la situation de “quasi catastrophe naturelle” qui touche les femmes victimes de violence.

Nous appelons ici, toutes les forces vives, tous les acteurs associatifs, à demander à nos côtés, l’organisation des états généraux pour une réforme globale de notre modèle social et juridique pour une prise en charge rapide, coordonné efficace et durable des femmes les plus précaires…MAINTENANT !

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