Chahrazade: fin du procès

C’est au tribunal de Bobigny, que le procès de l’agresseur de Chahrazade s’est tenu. Là où en 1972 le procès de Marie-Claire jeune fille de 16 ans condamnée pour avoir avorter à la suite d’un viol, faisait avancer de manière historique le droit des femmes. 36 ans plus tard, la justice reste solidaire de l’avancée de nos libertés et cristallise au travers du procès de Chahrazade l’espoir de milliers de filles issues des quartiers populaires. Elles ont gagné aujourd’hui le pouvoir de dire NON, d’être protégées et entendues.
Chahrazade, brûlée parce qu’elle refusait le mariage, attendait depuis trois ans ce procès. Au bout de trois jours d’audience, le verdict est tombé dans la soirée du jeudi 12 février, 20 ans de réclusion pour Mushtaq Amer Butt.

Au-delà de la sentence, la justice vient de libérer Chahrazade de tout le poids de cette insidieuse culpabilité, qui l’a habitée depuis trois ans. Le verdict doit l’aider “à faire disparaître ce sentiment si prégnant d’une culpabilité qui n’a pas lieu d’être”, explique l’avocate générale. Chahrazade répètera à la barre, dans des sanglots qu’elle ne retient pas : « je n’ai rien fait de mal, je ne suis pas méchante, je veux savoir pourquoi ? » A cette question elle ne trouvera pas de réponse, elle devra désormais se construire avec la satisfaction qu’au moins son exemple pourra donner le courage nécessaire à toutes les femmes victimes de violence qui n’osent pas dénoncer, qui ont peur.
La justice a lancé un signal fort, pour que plus jamais aucune femme ne soit victime d’actes barbares, pour que plus jamais aucun homme ne trouve de circonstances atténuantes à la violence.
La justice a montré sa fermeté pour que nul ne puisse faire prévaloir ses lois au dessus de celles de notre République.
La justice a parlé pour que plus jamais notre pays ne soit endeuillé d’autres Sohanne, et marquée par les blessures d’autres Chahrazade.

Vice-présidente du mouvement Ni Putes Ni Soumises, Chahrazade poursuit ce combat avec la même détermination, la même volonté, et le même courage, contre tous ceux qui pensent qu’en France il existe des zones de non droit, des zones où le droit communautaire, les coutumes tribales, la pression du groupe, peuvent se substituer à nos valeurs républicaines. Il faudra avoir le courage de la regarder droit dans les yeux et lui dire à elle, comme à toutes celles, qui souffrent au quotidien, que nous stigmatisons pour certains que nous trahissons pour d’autres. Briser la loi du silence, ne peut se faire dans la compromission, gagner sa liberté ne peut se faire dans la demi mesure ! L’émancipation n’est pas un arrangement entre ceux qui nous oppriment et leurs complices qui brandissent l’étendard du droit à la différence, dans l’indifférence de notre condition. L’émancipation ne se donne pas elle se conquiert à la force du poignet. Il faudrait probablement que nous continuions docilement à courber la tête et les chines pour que nos donneurs de leçons puissent se frotter la panse tout en dégustant le couscous qu’on aurait passé des heures à préparer dans la cuisine étroite de notre HLM !!
Les fous restent à l’ouest !! Ils disent tout comprendre mais regardent toujours ailleurs !! Pour nous c’est bon !! Trente ans de politique du grand frère, du tout culturel tout communautaire pendant qu’au dessus de nos têtes s’épaissit un plafond de béton !! Nous n’avons que faire de ces discours, de ces penseurs, et essayistes qui voudraient qu’on reste sur le carreau !!

C’est une posture, un idéal de liberté contre l’oppression, il appartient à toutes les femmes, qui refusent de vivre dans la banalisation de la violence, et qui pour des raisons probablement sociales et culturelles seraient les exclues des combats féministes. Non « la misère n’est pas moins pénible au soleil », et le bâton n’est pas moins douloureux parce qu’on s’appelle Fatoumata, ZOhra, ou Sybel.
C’est ce féminisme populaire pour toutes ces femmes populaires qui, elles aussi, ont droit comme toutes les femmes de ce pays à la dignité, au respect, à la contraception, à l’avortement, aux soins, à disposer de leur corps, à prendre en main leur destin, à l’émancipation.
C’est ce féminisme d’urgence, et solidaire qui se doit de soutenir les femmes que les traditions patriarcales condamnent à être des mineurs à vie, des objets sur qui on a le droit de vie ou de mort.

Se battre là-bas, aussi loin que des cris nous arrivent ici, pour que jamais nous n’ayons de jeunes comme Amer Butt arrivé en France à 14 ans et qui pense que comme au Pakistan en France on peut brûler une fille parce qu’elle refuse le mariage.

Tous ceux qui voudraient continuer à regarder ailleurs, auraient sûrement sanctionné moins lourdement ce crime odieux en nous expliquant que cette sanction risque de stigmatiser toute la communauté pakistanaise. Que pour ménager les uns il eut fallu que ce soit la victime qui prenne un peu plus sur elle ! C’est dire à quel point nos détracteurs n’ont rien compris ni des raisons ni de la mesure de notre combat !!

Forte heureusement aujourd’hui c’est la Justice de notre pays qui a parlé portant, dans cet horizon qui se dessine devant nous, tous nos espoirs.
Chahrazade est le symbole de toutes ces femmes qui ont décidé de dire non parfois au péril de leur vie mais qui se battent courageusement pour toutes les femmes ici et dans le monde.

Bouchera Azzouz

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